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IPBES : Le rapport sur les espèces exotiques envahissantes

IPBES : Le rapport sur les espèces exotiques envahissantes

IPBES : Le rapport sur les espèces exotiques envahissantes

Le nouveau rapport de l’IPBES alias « Le GIEC de la biodiversité » est sorti et il parle des espèces exotiques envahissantes.

Ce sont 86 experts de 49 pays pour quatre ans et demi de travail ainsi qu’environ 13000 références étudiées. Du sérieux, donc.

37000 espèces exotiques (espèces introduites volontairement ou non dans une région donnée) ont été analysées. Parmi elles, seules 3500 sont dites « envahissantes ». Hé oui, une espèce exotique n’est pas forcément une plaie pour les écosystèmes locaux !

Constat

Voici quelques chiffres clés, énoncés par l’UICN (qui liste notamment les espèces en voie de disparition).

« Avec 200 nouvelles espèces exotiques enregistrées chaque année, ce sont plus de 37000 espèces exotiques qui ont été introduites par les activités humaines ; et 3500 de ces espèces ont des impacts négatifs documentés dans la littérature, avec une variabilité du caractère invasif selon les espèces.

Ces EEE (espèces exotiques envahissantes, ndlr) sont impliquées dans 60% des extinctions globales d’espèces documentées et 90% de ces extinctions ont eu lieu dans les îles. Les environnements éloignés sont particulièrement sensibles aux invasions biologiques, comme les îles, les régions montagneuses, polaires et désertiques, ainsi que les zones protégées.

En plus de menacer la survie des espèces locales, leur coût économique mondial a dépassé les 390 milliards d’euros par an en 2019, et a au moins quadruplé chaque décennie depuis 1970 et devrait continuer d’augmenter si aucune mesure n’est prise. »

UICN, 2023

« L’urgence immédiate des espèces exotiques envahissantes qui causent des dommages considérables et croissants à la nature et à l’Homme, rend ce rapport si précieux et si opportun. »

« En décembre dernier, les gouvernements du monde entier ont convenu, dans le cadre du nouveau cadre mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal, de réduire l’introduction et l’établissement d’espèces exotiques envahissantes prioritaires d’au moins 50% d’ici à 2030. Il s’agit d’un engagement essentiel, mais aussi très ambitieux. Le rapport de l’IPBES sur les espèces exotiques envahissantes fournit les preuves, les outils et les options nécessaires pour rendre cet engagement plus réalisable. »

Anne Larigauderie, secrétaire exécutive de l’IPBES

Un bateau tentent de se frayer un passage à travers des jacinthes d’eau, une plante tropicale venue d’Amérique du Sud et qui envahie à vitesse grand V des étendues d’eau notamment sur lac Victoria, causant de forts dommages sur l’environnement. — IPBES

Quelles conséquences ?

Disparition d’espèces locales

Il faut bien comprendre qu’il existe un principe de compétition/prédation au sein des espèces.

Les espèces exotiques envahissantes entrent en compétition ou en prédation avec les
espèces autochtones : elles prennent leur espace, leur nourriture, ou peuvent être des
prédateurs. De ce fait, de nombreuses espèces locales, se retrouvent « dépassées » et disparaissent.

Un exemple parmi tant d’autres, la petite mangouste en Guadeloupe.

Introduite volontairement à la Guadeloupe dans les années 1930 pour lutter contre des rongeurs – également introduits – qui ravageaient les plantations, la petite mangouste indienne a contribué à l’extinction d’un lézard et à la quasi-disparition de deux espèces de couleuvres. (Source : OFB, enjeux et impacts espèces exotiques envahissantes)

Vous avez probablement entendu parler du frelon asiatique, en partie responsable du déclin des abeilles entre autre. (En partie car les pesticides – notamment les néonicotinoïdes – jouent un rôle de premier plan dans la disparition de nombreuses espèces, dont les pollinisateurs naturels)

Le frelon asiatique n’est pas plus dangereux que les autres hyménoptères (guêpes, frelons communs, bourdons) —  Alain C. / Creative Commons

On peut aussi avoir de l’hybridation (croisement) d’une espèce exotique avec une espèce parente autochtone peut avoir pour conséquence la disparition de cette dernière.

Enfin, le vecteur de maladies est aussi une cause de disparition de certaines espèces autochtones.

Maladies

Dengue, chikungunya ou encore Zika, ces maladies transmises par les moustiques arrivent en France métropolitaine du fait du réchauffement climatique mais aussi de la mondialisation. Il n’est pas rare qu’une espèce arrive sur un nouveau continent via le transport maritime par exemple.

L’encéphalite à tique, la fièvre du Crimée-Congo ou encore la maladie de Lyme opèrent sur le même principe : Via les tiques, ces maladies se propagent chez l’humain. L’ANSES en Juin a alerté sur l’arrivée prochaine de la fièvre de Crimée-Congo en France (des cas sont recensés en Espagne) : La tique Hyalomma est déjà présente dans le Sud-Ouest de la France. Aux dernières nouvelles, Aucun cas autochtone de cette fièvre n’a été détecté chez l’humain en France. (Juin 2023)

Concernant la santé, on peut aussi voir une hausse des allergies avec les espèces végétales envahissantes, comme l’ambroisie.

Chaque été, le pollen de l’ambroisie à feuilles d’armoise, originaire d’Amérique du nord, provoque de fortes réactions allergiques, rhinite, conjonctivite, toux, asthme, urticaire… En Auvergne-Rhône-Alpes, région la plus envahie, 10 % de la population serait touchée, imposant des soins dont le coût est estimé à 40 millions d’euros par an en moyenne. (Source : Sante.gouv : l’ambroisie sous surveillance)

Coût financier important

En effet, il faut pouvoir contrôler et gérer ces espèces : ces coûts sont très élevés. Il y a également des risques économiques pour le secteur forestier, agricole ainsi que celui de la pêche.

On peut aussi ajouter certaines restrictions liées à l’importation ou l’exportation de produits.

« En 2019, le coût financier mondial lié aux espèces invasives s’est élevé à plus de 423 milliards de dollars. »

KM-A3, IPBES 2023

L’une des affirmation de ce rapport de l’IPBES est qu’il y a un constat simple : une forte hausse des espèces exotiques envahissantes, et ce sera encore pire dans le futur. Alors on fait quoi ?

Quelles solutions ?

Prévenir plutôt que guérir

Engagée à temps, la gestion d’une espèce exotique envahissante peut permettre plus facilement son contrôle voire son éradication.

Le règlement européen oblige les États membres de l’UE de mettre en œuvre des systèmes de veille et d’alerte afin d’améliorer la détection précoce de l’introduction de nouvelles espèces exotiques.

Sensibiliser

Les efforts doivent être mis tout d’abord sur la sensibilisation du plus grand nombre, l’amélioration des connaissances et la formation. Ce phénomène est du fait de l’espèce humaine, c’est de notre responsabilité d’endiguer le phénomène.

Réguler

On peut aussi penser à la régulation des populations. C’est devenu même indispensable pour les espèces posant le plus de problèmes.

Les interventions d’éradication restent difficiles et coûteuses et peuvent dans certains cas affecter la biodiversité locale.

Elles doivent donc être envisagées au cas par cas et sur le long terme. Il a parfois été possible d’éliminer totalement une espèce exotique envahissante sur un territoire donné, avec des résultats positifs spectaculaires. C’est le cas du rat des îles ou encore de la griffe de la sorcière. On peut également évoquer le plan d’éradication de deux millions de chats sauvage en Australie… Éthiquement, c’est discutable tant sur la méthode que sur les conséquences sur les autres espèces.

La jacinthe d’eau, fléau de l’Afrique

Les gestes à avoir au quotidien

Toutes ces recommandations viennent de l’Office Français de la Biodiversité.

Se documenter

Il importe avant tout de connaître et de reconnaître les espèces exotiques envahissantes en consultant ces divers documents :
Liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne
Listes des espèces exotiques envahissantes par région
Base d’informations du Centre de ressources sur les espèces exotiques envahissantes
Inventaire National du Patrimoine Naturel
Guides d’identification et recueil de fiches descriptives

Connaître la loi et ses obligations

De nombreuses espèces sont interdites d’importation en Europe, comme le stipule cette brochure. Par exemple, « Pour toutes les espèces identifiées par la règlementation européenne – à ce jour, 47 espèces animales et 41 espèces végétales -, il est interdit de les introduire en France, les utiliser, les transporter vivantes, les détenir, les échanger, les commercialiser. Tout non-respect des dispositions portant sur les animaux ou végétaux figurant sur les listes des espèces exotiques envahissantes, et notamment leur libération dans la nature, peut donner lieu à une peine d’emprisonnement allant jusqu’à 3 ans et une amende allant jusqu’à 150 000 euros. »

Agir avec responsabilité

Acheter et planter des plantes locales, car il existe encore en France tout comme d’autres pays, des plantes estampillées « EEE » qui sont très compétitives dans certains écosystèmes locaux, fragilisant ces derniers.

Code de conduite des pantes exotiques envahissantes en France de VAL’HOR
Marque Végétal local de l’OFB

Par responsabilité, j’entends aussi « ne pas abandon ses animaux » (la France est championne d’Europe pour cela), car les animaux dans la nature peuvent devenir problématiques.

Ne pas nourrir les animaux

Les tamias, ratons laveurs, perruches, bernaches ou autres animaux exotiques sont sympathiques, mais ils peuvent porter atteinte aux écosystèmes naturels, les nourrir notamment dans les parcs revient à les favoriser aux dépends des espèces locales.

Être attentif

Faire attention à ses pratiques, contrôler ses espèces invasives dans son jardin, pratiquer la permaculture et la rotation des cultures, surveiller ses hôtels à insectes et ses ruches,

Freiner la dispersion

Déposer ses résidus végétaux en déchetteries, éviter de transporter des plantes ou animaux exotiques, Vérifier, son équipement de pêcheur, chasseur, randonneur, sportif, voyageur (sac, valise, semelles, vêtements, tente, vélo, voiture, canoé, bateau, filets, etc.) qui peuvent embarquer des espèces exotiques par mégarde.

Faire appel aux organismes compétents

Afin de réguler des espèces exotiques envahissantes reconnues dans la nature, au lieu de les réguler soi-même, au risque d’en accélérer la propagation, n’hésitez pas à contacter ces organismes :

Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL)

Directions Départementales de la Protection des Populations (DDPP)

Pour la gestion des espèces nuisibles à la santé humaine et les espèces vectrices de maladies, l’Agences Régionales de Santé (ARS)

Il est également possible de participer à des chantiers bénévoles de gestion des espèces exotiques envahissantes.

Si vous voulez aller plus loin, voici un résumé de COP15 biodiversité et un article sur l’intérêt de remettre la protection de la biodiversité au centre du combat, trop climato-centré.

Vous pouvez retrouver le résumé pour les décideurs de ce rapport IPBES (en anglais) sur ce lien.

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