Synthèse des 6 derniers rapports du GIEC – 10 points clés à retenir
La fin d’un cycle. Le GIEC a sorti aujourd’hui une synthèse de ses 6 derniers rapports, terminant ainsi le 6ème cycle de rapports du GIEC (AR6), débuté en 2015. L’occasion de refaire un point sur le réchauffement climatique mais avant de lire ce résumé, un petit topo s’impose, sur ces fameux 6 rapports.
Il existe 3 rapports principaux, traités par les fameux « working groups » :
- WGI => Les causes du changement climatique,
- WGII => Les conséquences du changement climatique sur nos modèles socio-économiques,
- WGIII => Les solutions pour s’adapter (parce que oui, il y en a !).
Ainsi que 3 rapports spéciaux :
En ce mois de Mars 2023, le GIEC a validé une synthèse, concluant huit années de travaux, dont les publications ont souvent été mise au second plan du fait d’actualités plus ou moins intéressantes. (L’arrivée de Lionel Messi au PSG, la guerre en Ukraine et actuellement, la réforme des retraites…)
- 1- L'être humain, grand responsable du réchauffement climatique
- 2- On peut oublier très probablement la limite à +1,5°C à court terme…
- 3- … Mais c'est toujours possible de ne pas dépasser ce seuil pour 2100
- 4- Toujours plus d'argent pour le fossile que pour le changement climatique
- 5- Hausse des catastrophes naturelles induites par le changement climatique
- 6- Le changement climatique a déjà des effets irréversibles
- 7- On atténue petit à petit, mais c'est insuffisant
- 8- Justice sociale
- 9- Une adaptation à court terme est nécessaire
- 10- La nécessité d'atteindre la neutralité carbone
- Bonus- Des solutions dans tous les secteurs
- Un guide de survie pour l’humanité ?
1- L’être humain, grand responsable du réchauffement climatique
On le savait déjà, mais c’est toujours bien de l’acter dans un document de synthèse qui sert de référence pour les prochaines années, et c’est sans équivoque. L’être humain est bel et bien responsable du réchauffement climatique, et le voir ainsi écrit dans une synthèse du GIEC en dit long sur notre façon de vivre.
« Human activities, principally through emissions of greenhouse gases, have unequivocally caused
AR6 SYR SPM – A.1
global warming, with global surface temperature reaching 1.1°C above 1850–1900 in 2011–2020.
Global greenhouse gas emissions have continued to increase, with unequal historical and ongoing contributions arising from unsustainable energy use, land use and land-use change, lifestyles and patterns of consumption and production across regions, between and within countries, and among individuals. (highconfidence) »
Depuis 1850, le climat s’est réchauffé de +1.1°C, là où « naturellement », ces fluctuations de températures mettent des millénaires à se produire, permettant à la faune et à la flore de s’adapter.
2- On peut oublier très probablement la limite à +1,5°C à court terme…
Même en se basant sur les scénarios les plus optimistes, il y a de très fortes chances que l’on atteigne les +1.5°C d’augmentation, du fait du CO2 cumulé dans l’atmosphère (il y reste environ un siècle…) à court terme. (2021-2040)
Il y a évidemment également de fortes chances que l’on dépasse les +1.5°C dans des scénarios d’émissions plus élevées.
« Global warming will continue to increase in the near term (2021-2040) mainly due to increased cumulative CO2 emissions in nearly all considered scenarios and modelled pathways. In the near term, global warming is more likely than not to reach 1.5°C even under the very low GHG emission scenario (SSP1-1.9) and likely or very likely to exceed 1.5°C under higher emissions scenarios. »
AR6 SYR SPM – B.1.1
Actuellement, nos modes de vie nous amènent plutôt vers un petit +3.2°C : Il va faire chaud, et pas que. Ça veut dire notamment des catastrophes naturelles plus longues, intenses et fréquentes. Elles sont listées ici. Un article complet sur les causes, les conséquences et les solutions pour les sécheresses est également disponible là.
3- … Mais c’est toujours possible de ne pas dépasser ce seuil pour 2100
À lire aussi : Le guide de survie écologique, pour ne plus souffrir d’éco-anxiété
On va tous mûrir
En admettant que nous réduisions drastiquement nos émissions, on peut viser le +1.4°C « seulement », d’ici 2100, avec un pic à +1.6°C dans les décennies à venir. Même si nous y arrivons, les conséquences sont déjà bien visibles pour des milliards de personnes, il est donc temps de s’adapter puisque nous n’y couperons pas.
« The assessed climate response to GHG emissions scenarios results in a best estimate of warming for 2081–2100 that spans a range from 1.4°C for a very low GHG emissions scenario (SSP1-1.9) to 2.7°C for an intermediate GHG emissions scenario (SSP2-4.5) and 4.4°C for a very high GHG emissions scenario. (SSP5-8.5) »
AR6 SYR SPM – B.1.1
Nous le répétons sans cesse mais chaque dixième de degré compte. C’est pourquoi il est primordial que chacun·e fasse des efforts au quotidien et ce, même si d’autres doivent en faire encore plus. Les gouvernements doivent légiférer, les entreprises doivent s’adapter, et les citoyens doivent devenir consom’acteurs et non plus de simples consommateurs. Soyons acteurs et actrices du changement !
4- Toujours plus d’argent pour le fossile que pour le changement climatique
Bien évidemment, l’argent coule toujours à flot pour soutenir l’industrie fossile, bien loin devant l’argent alloué à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique.
« Public and private finance flows for fossil fuels are still greater than those for climate adaptation and mitigation. (high confidence) »
AR6 SYR SPM – A.4.5
D’ailleurs, la plupart de l’argent alloué pour ce dernier l’est pour l’atténuation, pas pour l’adaptation. Nous sommes encore très loin d’être préparé, et ce n’est pourtant pas les solutions qui manquent…
Et vous savez quoi ? Bonne nouvelle ! L’argent, on l’a. Il suffit juste de le mettre au bon endroit.
« The overwhelming majority of tracked climate finance is directed towards mitigation, but nevertheless falls short of the levels needed to limit warming to below 2°C or to 1.5°C across all sectors and regions. (very high confidence) »
AR6 SYR SPM – A.4.5
Concernant la finance, un très gros point à rappeler : le principe de pertes et dommages. J’en parle dans ce résumé de la COP27. Ce qu’on appelle « pertes et dommages » sont en fait les coûts que doivent encaisser les pays qui ont le moins contribué au changement climatique, mais qui subissent de plein fouet ses effets, tels comme la hausse du niveau de la mer qui touchera de nombreuses îles et côtes de part le monde, ainsi que les phénomènes météorologiques extrêmes (comme les violentes inondations en Inde, ou les dômes de chaleurs mortels en Inde également), de plus en plus fréquents.
Si on résumait de manière très grossière, ce sont les pays de l’hémisphère Nord qui doivent financièrement aider les pays de l’hémisphère Sud.
5- Hausse des catastrophes naturelles induites par le changement climatique
On l’observe depuis plusieurs décennies : l’intensité, la fréquence et la durée d’événements climatiques extrêmes (vagues de chaleurs, inondations, fortes précipitations, sécheresses…) augmentent avec le changement climatique.
« Human influence has likely increased the chance of compound extreme events since the 1950s, including increases in the frequency of concurrent heatwaves and droughts. (high confidence) »
AR6 SYR SPM – A.2.1
Plus la hausse sera conséquente, plus grands seront les risques de catastrophes naturelles d’ampleur inédite. (qui deviendront à force, « la norme », d’ailleurs.)
Pour rappel, la moitié de l’humanité souffre déjà du réchauffement climatique, comme le rappelle Bon Pote, reprenant le WGII AR6 du GIEC (2022).
6- Le changement climatique a déjà des effets irréversibles
Les dégâts sont déjà visibles que ce soit sur la terre ferme ou dans l’océan. De nombreuses espèces végétales et animales ont disparu ou sont sur le point de disparaître, en partie à cause du réchauffement climatique, notamment à cause des événements de chaleur extrême.
« Climate change has caused substantial damages, and increasingly irreversible losses, in terrestrial, freshwater, cryospheric, and coastal and open ocean ecosystems (high confidence). Hundreds of local losses of species have been driven by increases in the magnitude of heat extremes (high confidence) with mass mortality events recorded on land and in the ocean (very high confidence). Impacts on some ecosystems are approaching irreversibility such as the impacts of hydrological changes resulting from the retreat of glaciers, or the changes in some mountain (medium confidence) and Arctic ecosystems driven by permafrost thaw (high confidence). »
AR6 SYR SPM – A.2.3
Le climat n’est qu’un « petit » problème, la chute dangereuse de la biodiversité est bien plus problématique, même si le réchauffement climatique n’en est qu’une des cinq causes. Vous pouvez trouver un article rédigé sur ce site, parlant de remettre la biodiversité au centre du combat. Un résumé de la COP15 biodiversité se trouve d’ailleurs ici.
N’oublions pas que tout est interconnecté.
Ci-dessous, et extrait de cette synthèse de l’AR6 du GIEC, les risques concernant la disparition d’espèces, la santé humaine (humidité + fortes chaleurs = risque de mort accru) et la production de nourriture.
7- On atténue petit à petit, mais c’est insuffisant
Il y a une amélioration concernant les politiques et les lois faites pour atténuer les effets de nos modes de vie sur le changement climatique, depuis le précédent cycle du GIEC (AR5, 2014). Cependant, ces efforts sont insuffisants et ne permettent pas en l’état d’éviter le dépassement de +1.5°C d’augmentation. Il faut donc dès aujourd’hui se donner tous les moyens possibles pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre.
« Policies and laws addressing mitigation have consistently expanded since AR5. Global GHG
AR6 SYR SPM – A.4
emissions in 2030 implied by nationally determined contributions (NDCs) announced by October 2021 make it likely that warming will exceed 1.5°C during the 21st century and make it harder to limit warming below 2°C. There are gaps between projected emissions from implemented policies and those from NDCs and finance flows fall short of the levels needed to meet climate goals across all sectors and regions. (high confidence) »
8- Justice sociale
Je le répète sans cesse ici ou là : la justice environnementale sans justice sociale ne sert à rien. Le changement climatique impacte les pays plus modestes, les femmes, et les personnes fragiles (seniors, enfants, femmes enceintes…), il est donc primordial d’intégrer dans nos politiques la notion de justice sociale.
« Prioritising equity, climate justice, social justice, inclusion and just transition processes can
AR6 SYR SPM – C.5
enable adaptation and ambitious mitigation actions and climate resilient development. Adaptation
outcomes are enhanced by increased support to regions and people with the highest vulnerability to
climatic hazards. Integrating climate adaptation into social protection programs improves resilience.
Many options are available for reducing emission-intensive consumption, including through
behavioural and lifestyle changes, with co-benefits for societal well-being. (high confidence) »
9- Une adaptation à court terme est nécessaire
Si on atténue très rapidement durant cette décennie nos émissions, et qu’on accélère notre adaptation, nous pourrions réduire les pertes & dommages pour l’être humain et les écosystèmes, et développer de nombreux co-bénéfices, notamment pour la qualité de l’air et la santé. Cependant, la fenêtre de tir est très étroite, et chaque jour d’inaction (ou pire, de nouveaux projets climaticides comme EACOP) réduit d’autant plus cette fenêtre…
« Climate change is a threat to human well-being and planetary health (very high confidence). There
AR6 SYR SPM – C.1
is a rapidly closing window of opportunity to secure a liveable and sustainable future for all (very high confidence). Climate resilient development integrates adaptation and mitigation to advance sustainable development for all, and is enabled by increased international cooperation including improved access to adequate financial resources, particularly for vulnerable regions, sectors and groups, and inclusive governance and coordinated policies (high confidence). The choices and actions implemented in this decade will have impacts now and for thousands of years (high confidence). »
« Deep, rapid and sustained mitigation and accelerated implementation of adaptation actions in
AR6 SYR SPM – C.2
this decade would reduce projected losses and damages for humans and ecosystems (very high
confidence), and deliver many co-benefits, especially for air quality and health (high confidence).
Delayed mitigation and adaptation action would lock-in high-emissions infrastructure, raise risks of
stranded assets and cost-escalation, reduce feasibility, and increase losses and damages (high
confidence). Near-term actions involve high up-front investments and potentially disruptive changes
that can be lessened by a range of enabling policies (high confidence). »
Il est d’ailleurs primordial, comme l’explique le point B.5 ci-dessous, de réduire de manière radicale et instantanée nos émissions, en fermant une partie des exploitations de charbon, de pétrole ou encore de gaz. Sans ça, nous dépasserons les +1.5°C. Des projets comme EACOP sont donc une aberration.
« Limiting human-caused global warming requires net zero CO2 emissions. Cumulative carbon
AR6 SYR SPM – B.5
emissions until the time of reaching net-zero CO2 emissions and the level of greenhouse gas emission reductions this decade largely determine whether warming can be limited to 1.5°C or 2°C (high confidence). Projected CO2 emissions from existing fossil fuel infrastructure without additional abatement would exceed the remaining carbon budget for 1.5°C. (high confidence) »
Une solution s’impose : la sobriété. Consommer moins, mais mieux. Éviter le superflu, revenir aux essentiels, et bien évidemment, se rapprocher de la nature, que nous avons oublié au détriment du béton.
10- La nécessité d’atteindre la neutralité carbone
Comme vu ci-dessus, la neutralité carbone (Ce que l’humain émet est égal à ce que la planète peut absorber) doit être atteinte d’ici 2050. Et des solutions, outre la réduction de nos émissions, il y en a plusieurs. En voici quelques unes : la reforestation, la protection des forêts, la restauration des tourbières…
« All global modelled pathways that limit warming to 1.5°C (>50%) with no or limited overshoot,
AR6 SYR SPM – B.6
and those that limit warming to 2°C (>67%), involve rapid and deep and, in most cases, immediate
greenhouse gas emissions reductions in all sectors this decade. Global net zero CO2 emissions are
reached for these pathway categories, in the early 2050s and around the early 2070s, respectively.
(high confidence) »
Bonus- Des solutions dans tous les secteurs
Même si je ferai un article plus complet présentant diverses solutions, en voici quelques unes, présentes dans cette synthèse : les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, une meilleure gestion des prairies, des forêts et des espaces verts, la réduction du gaspillage alimentaire… J’ajouterai évidemment réduire les trajets en avion, réduire sa consommation de viande… En bref, tout un panel de solutions accessibles à tous les niveaux, que vous soyez un simple citoyen, un dirigeant d’une entreprise du CAC40 ou bien le Président de la République !
« Several mitigation options, notably solar energy, wind energy, electrification of urban systems, urban green infrastructure, energy efficiency, demand-side management, improved forest- and crop/grassland management, and reduced food waste and loss, are technically viable, are becoming increasingly cost effective and are generally supported by the public. From 2010– 2019 there have been sustained decreases in the unit costs of solar energy (85%), wind energy (55%), and lithium ion batteries (85%), and large increases in their deployment, e.g., >10x for solar and >100x for electric vehicles (EVs), varying widely across regions. The mix of policy instruments that reduced costs and stimulated adoption includes public R&D, funding for demonstration and pilot projects, and demand pull instruments such as deployment subsidies to attain scale. Maintaining emission-intensive systems may, in some regions and sectors, be more expensive than transitioning to low emission systems. (high confidence) »
AR6 SYR SPM – A.4.2
Un guide de survie pour l’humanité ?
Ce document, qui ne fait que résumer les 6 précédents rapports, n’apporte rien de nouveau à ce que l’on sait déjà. Il pose cependant un point final sur ce cycle d’informations sur le changement climatique. Les gouvernements doivent et devront s’y conformer si l’on souhaite réussir ce défi. Cette synthèse servira d’ailleurs de base pour la COP28, présidée par le Sultan Al Jaber, PDG de la principale compagnie pétrolière des Émirats Arabes Unis. Cette COP se tiendra du 30 novembre au 12 décembre 2023 à Dubaï.
« La bombe à retardement climatique poursuit son compte à rebours, mais ce rapport est un guide pratique pour la désamorcer, un guide de survie pour l’humanité », a réagi le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, Antonio Guterres. Et il n’a pas tord.
Nous devons nous plier à ces recommandations de toute urgence si nous souhaitons garder une planète habitable.
Si vous ne l’aviez pas encore fait, prenez le temps de lire au moins cette synthèse, puisque les rapports originaux équivalent à des milliers de pages, se basant sur des milliers d’études scientifiques. Avoir en tête ces quelques pages permet de connaître les tenants et aboutissants généraux des enjeux climatiques, et ces informations devraient être accessibles au plus grand nombre.
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