Sécheresse – Causes, conséquences et solutions
La sécheresse de l’été 2022 et le manque de pluie en ce début d’année a fortement impacté les nappes phréatiques, laissant planer le spectre d’une pénurie d’eau pour l’été 2023. Avant de parler des causes et conséquences ainsi que des solutions contre les sécheresses à venir, il est important de rappeler le fonctionnement du cycle de l’eau.
Pour imager, voici une illustration venant des Eaux de Nîmes Métropole :
Pour résumer, l’eau s’évapore de l’océan et de la végétation, se condense dans le ciel ce qui créé des nuages, qui déverseront de l’eau (sous forme liquide ou solide) via des précipitations. L’eau ruisselle des glaciers en haute altitude, de cascades, jusqu’à l’océan. En parallèle, l’eau qui tombe sur le sol passe par de la roche perméable afin d’alimenter les nappes phréatiques.
L’un des problèmes (oui, y’en a plusieurs) d’une forte sécheresse est bien évidemment le manque d’eau, générant lui-même de nombreux problèmes pour la faune et la flore mais également pour l’être humain. Ce manque d’eau se caractérise par un assèchement des fleuves, des rivières, des ruisseaux, des lacs ou encore des étangs, mais aussi des nappes phréatiques, si importantes pour nos besoins en eau.
Vous pouvez retrouver une superbe infographie de l’ADEME concernant la consommation (à outrance) de l’eau et sa pollution.
Lorsqu’il y a un manque de pluie, comme c’est le cas depuis ce début d’année 2023, les nappes phréatiques ne peuvent pas se remplir suffisamment pour permettre l’anticipation d’un été de fortes chaleurs. L’été 2022 nous a forcé à nous restreindre en eau, mais malheureusement, l’automne et l’hiver n’ont pas permis de combler le vide dans les nappes souterraines.
A noter : il faut différencier la sécheresse de l’aridité. Dans le premier cas, c’est une période temporaire qui ne correspond pas au climat de la région tandis que dans le second cas, c’est bien une caractéristique permanente du climat dans la région.
Ci-dessous un état des lieux dramatiques de la situation en France en ce début 2023 :
On peut aussi constater de forts écarts (négatifs) au niveau national concernant les précipitations :
Les causes d’une sécheresse
Les causes d’une sécheresse sont multiples. Il y a tout d’abord évidemment des conditions météorologiques favorisant l’apparition d’une période de sécheresse. La pluviométrie étant insuffisante, cela génère un temps sec : on appelle ça une sécheresse météorologique. Il existe deux autres types de sécheresse, celle que l’on appelle sécheresse édaphique (sécheresse agricole). À l’inverse de la sécheresse météorologique, la sécheresse édaphique se situe au niveau du sol. Enfin, la sécheresse hydrologique se situe au niveau des lacs, cours d’eau ou encore des nappes phréatiques.
Le réchauffement climatique, dont vous pourrez trouver un article sur mon site intitulé Réchauffement climatique – Causes et conséquences, est forcément un facteur aggravant de ces sécheresses. En cause, la modification de la pluviométrie mondiale, qui génère de plus en plus de sécheresses à l’échelle mondiale.
Les périodes de fortes chaleurs et de canicules augmentent également les risques de sécheresse, en favorisant trop fortement l’évaporation de l’eau et l’évapotranspiration des végétaux. La déforestation augmente également les risques de sécheresse puisque moins d’arbres signifie moins d’évapotranspiration.
D’autres causes entrent aussi en jeu, c’est le cas de l’artificialisation des sols, réduisant la perméabilité des sols et donc générant de plus en plus de sécheresses édaphiques.
Enfin, et vous vous doutez bien que j’allais en parler, la surexploitation des ressources est aussi un facteur important d’augmentation des risques des sécheresses. Que ce soit dans le secteur agricole, de l’énergie, de l’industrie ou simplement pour des usages domestiques, l’eau est surexploitée, polluée, gaspillée.
Chaque cause prise séparément n’est pas forcément dramatique quand cela génère une sécheresse ponctuelle. Cependant, c’est la conjoncture d’une ou plusieurs causes qui rend la situation catastrophique.
D’après l’ADEME, en France, on enregistre déjà une baisse des débits de nombreux cours d’eau (surtout à l’étiage) et un réchauffement de l’eau. Ce fait influe sur les écosystèmes aquatiques, la ressource en eau potable, les capacités d’irrigation pour l’agriculture, de refroidissement pour certaines industries (centrales nucléaires) ou le rendement des équipements hydroélectriques.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait que l’eau est une ressource injustement répartie sur notre planète, et que les sécheresses varient selon les contextes socio-économiques mais aussi météorologiques suivant les régions du monde.
Quelques chiffres (en % des 33.5 milliards de m3/an) de la consommation d’eau en France :
Agriculture : 45%
Industrie : 34%
Consommation d’eau potable : 21%
[Source : ecologie.gouv]
Et si vous voulez une explication plus imagée, je laisse le CNRS vous expliquer ça avec cette magnifique infographie.
Les conséquences d’une sécheresse
On ne se rend compte de ce qui est précieux que lorsqu’on en a plus, pas vrai ?
Cette phrase est encore plus vraie avec l’eau, que l’on commence à appeler « or bleu » tant elle se fait rare dans certaines régions du monde.
La sécheresse a de multiples conséquences, que ce soit sur la santé humaine, l’alimentation, l’énergie, l’équilibre des écosystèmes ou encore l’économie.
Équilibre des écosystèmes
Le manque d’eau génère évidemment un stress sur la faune et la flore. Dans de nombreuses régions, on observe des animaux qui meurent dé déshydratation, faute d’eau. On se souvient de la photo de plusieurs girafes mortes à cause de la forte sécheresse qui sévie au Kenya.
Pour qu’une espèce prolifère et survive, elle doit se sentir en sécurité. Le manque d’eau empêche pour de nombreuses espèces l’accouplement générant une baisse de la population locale. Certaines espèces se retrouvent à devoir migrer dans une autre région plus équilibré, déséquilibrant l’écosystème de la région où elles arrivent.
La flore n’est pas en reste. Les arbres ne s’adaptent pas assez vite au réchauffement climatique et le manque d’eau n’y est pas pour rien. Ci-dessous, la forêt de Masevaux-Niederbruck (Haut-Rhin). J’ai constaté la même chose en Juillet 2022 en forêt de Brocéliande en Bretagne.
Érosion des sols
Bien évidemment, les conséquences ne se résument pas à la faune et à la flore : la sécheresse favorise l’érosion des sols, dégradent le couvert végétal qui permet de maintenir l’intégrité de ces sols.
Incendies
Enfin, concernant l’écosystème, j’insiste (encore) sur le fait que OUI, le réchauffement climatique et les sécheresses augmentent les risques de feux de forêt. J’entends déjà au loin les sceptiques venir me dire que c’est la faute des pyromanes, pas du climat, qu’il faut arrêter de s’alarmer pour rien. Hé bien ils ont raison, mais moi aussi. Sans pyromane, pas de feu de forêt (sauf quelques rares cas de foudre qui tombe sur un arbre et met le feu évidemment…). Mais l’assèchement du sol augmente la propagation des feux de forêt et tout ce qui en découle.
Agriculture
Les sécheresses ont des conséquences désastreuses sur l’agriculture. Le manque d’eau pour les cultures génère automatiquement une baisse de la production, augmentant ainsi l’insécurité alimentaire. Cela a pour effet d’une part la fragilisation globale des écosystèmes, et d’autre part la santé physique et mentale des agriculteurs, subissant en première ligne les conséquences du réchauffement climatique et des sécheresses.
Production d’énergie
La production hydro-électrique se trouve forcément impacté lorsqu’il y a un manque d’eau. Le nucléaire est également impacté puisque de l’eau est nécessaire pour refroidir les réacteurs. Le secteur du nucléaire se trouve donc face à deux problèmes : d’une part, le manque d’eau et d’autre part, l’incapacité d’utiliser l’eau pour refroidir le réacteur lors de période de fortes chaleurs. En effet, l’eau prélevée en amont est rejetée en aval du réacteur, réchauffant l’eau s’y trouvant. Or, pour éviter de fragiliser l’écosystème dans les milieux aquatiques, il existe des seuils réglementaires à ne pas dépasser afin de protéger la faune et la flore locale.
Et lorsque le manque d’eau ou de trop fortes températures se font sentir, le risque d’un arrêt d’une source de production d’énergie réduit automatiquement notre production d’énergie au niveau national.
Santé humaine
Je ne vous apprends rien en vous disant que l’eau est indispensable à notre survie. Le manque d’eau peut entraîner dans le meilleure des cas une simple déshydratation et, dans le pire des cas, la mort. Au Kenya, ce sont 3 millions de personnes qui souffrent de famine à cause du manque d’eau. Les Nations Unies estiment que d’ici une dizaine d’année, plus d’un tier de la population mondiale sera exposé à des pénuries d’eau. La malnutrition augmente également le risque épidémique. Le manque d’eau diminue également la qualité de l’eau. En effet, les polluants se diluent moins bien et peuvent contaminer les réserves hydriques. [Source : CIEAU]
Conflits armés
Le manque d’eau génère des instabilités régionales mais également des migrations de populations, pouvant entraîner des conflits entre les peuples.
Les solutions
Même si la situation est dramatique, il existe de nombreuses solutions afin de régler partiellement le problème et de s’adapter. Le gouvernement a mis en place une page relative à l’adaptation des professionnels et particuliers en cas de sécheresse, que vous pouvez retrouver ici.
Agriculture
80% de la consommation d’eau est utilisée en France entre Juin et Août, et pour cause : il faut chaud ! Il faut bien irriguer les cultures. Cependant, afin d’économiser jusqu’à 30% d’eau de ce secteur, il faut arroser avec la bonne quantité, au bon moment.
D’autres solutions permettent de réduire cette consommation d’eau : Amélioration du matériel d’irrigation, changement des pratiques, choix de cultures moins consommatrices d’eau. Le maïs par exemple demande énormément d’eau, à une période où on en manque cruellement. Privilégier des légumineuses, des tubercules ou des racines, beaucoup moins gourmandes en eau, permettrait un gain non-négligeable.
À noter : L’humain n’est pas le seul à consommer du maïs (d’ailleurs, l’Europe n’est pas un gros consommateur de maïs contrairement à l’Amérique Latine par exemple). Le maïs d’ensilage permet de nourrir le bétail qui permet de nous nourrir (de manière peu efficiente au passage). Une raison de plus de réduire drastiquement sa culture afin de cultiver quelque chose qui nourrira directement l’être humain ?
Afin de protéger l’eau potable, il est également urgent de légiférer plus drastiquement afin de protéger les captages d’eau potable de la pollution agricole (pesticides, nitrates…).
Les agriculteurs sont invités à mettre en place des « tours d’eau » (irriguer seulement certains jours, dépendant du seuil de sécheresse de la région concernée).
L’agriculture peut aussi se tourner vers l’agriculture de conservation, qui implique de ne pas retourner son sol (et donc de laisser le couvert végétal, permettant de garder l’humidité du sol plus longtemps). Malheureusement en France, seulement 2% des agriculteurs pratiquent l’agriculture de conservation. Cette méthode n’est tout de même pas une solution miracle : elle ne s’applique pas à toutes les cultures et favorise la prolifération de mauvaises herbes ou de certains insectes ravageurs, ce qui implique parfois d’utiliser des produits chimiques comme les pesticides. Certaines cultures ne peuvent donc pas être estampillées bio.
L’ADEME a formulé huit recommandations (dont vous trouverez le détail ici) pour le secteur agricole et forestier dans une démarche d’adaptation au changement climatique. Ces recommandations sont :
- 1) Définir l’échelle de travail la plus adaptée : entre filière et/ou territoire
- 2) S’appuyer sur les structures de portage existantes (autant que possible)
- 3) Raconter le futur, esquisser les chemins possibles en partant d’un diagnostic de l’état actuel
- 4) Proposer des trajectoires « sans regrets » à court terme, pour favoriser des systèmes plus résilients à long terme et en s’appuyant sur des réseaux de suivi pérennes
- 5) Proposer des démarches de co-construction participatives et garder une flexibilité dans la gestion du projet
- 6) S’appuyer sur la pédagogie des aléas majeurs comme un argumentaire possible de mobilisation
- 7) Mettre en avant les co-bénéfices créés
- 8) Mobiliser les financements en faveur de l’adaptation
Réchauffement climatique, destruction du Vivant et sécheresse étant étroitement liés, il est primordial pour le secteur agricole (qui est un secteur fortement émetteur de gaz à effet de serre) de changer ses pratiques.
Il est d’ailleurs important que le secteur agricole se tourne vers l’agro-écologie afin de protéger et restaurer la biodiversité, pour un avenir plus durable.
Industriels
Côté industriel, il est primordial de travailler au maximum à « circuit fermé », de récupérer les eaux de nettoyages ou encore d’améliorer son mode opératoire. Les industriels doivent, en cas de sécheresse, réduire leur activité, recycler certains eaux de nettoyage ou modifier certains modes opératoires.
Particuliers
Les citoyens sont également invités à prendre en compte leur consommation d’eau dans l’équation. En vrac, voici quelques astuces : éviter les bains, prendre des douches de 5 minutes top chrono (lancez une musique et finissez avant la fin, par exemple 😉), faire pipi sous la douche (ce qui évite de tirer une chasse d’eau), installer une chasse d’eau à double flux, installer des réducteurs de pression aux robinets, s’assurer qu’il n’y a pas de fuite d’eau (en relevant régulièrement son compteur d’eau, en allant se coucher par exemple), réutiliser l’eau de pluie mais également l’eau de rinçage de vos légumes par exemple. Par temps de sécheresse, il est également primordial d’éviter les usages non-nécessaires comme l’arrosage des pelouses, des espaces verts, le lavage des voitures, le remplissage des piscines…
Si vous avez un potager, pailler les plants et ne pas arroser aux heures les plus chaudes, ou encore installer des oyas dans votre potager sont de bonnes solutions d’économie d’eau.
Vous pouvez retrouver d’autres conseils sur le site de l’ADEME, ici ou là.
Collectivités
Via des arrêtés préfectoraux, s’assurer de la priorisation de l’eau en période de sécheresse : Santé, sécurité civile, préservation des écosystèmes, approvisionnement en eau potable. Les citoyens peuvent compter sur le site PROPLUVIA afin de vérifier si leur commune est soumise à des limitations ou des suspensions de consommation d’eau.
Il semble également primordial de distribuer des kits hydro-économes, optimiser l’arrosage des espaces verts et du nettoyage des voiries, connaître les volumes d’eau consommés et évidemment, réduire les fuites dans les réseaux de distribution d’eau potable.
D’une manière générale
Dans tous les secteurs, des mesures doivent être prises. La modification du climat, du cycle de l’eau et du Vivant augmentent les risques de tempêtes et inondations. S’adapter est donc la clé. Il faut en parallèle préserver l’eau qui va devenir de moins en moins abondante, et pour ça il faut :
- S’habituer à consommer moins d’eau et éviter les gaspillages
- Protéger les ressources en eau potable contre les dégradations (pollution, etc.), chercher de nouvelles ressources, améliorer l’efficacité des réseaux de distribution en limitant les fuites d’eau (20% de fuites d’après EAUFRANCE – source ancienne mais le problème n’est clairement pas réglé en 2023)
- Limiter l’imperméabilisation des sols afin de favoriser l’infiltration des pluies
- Diminuer et contrôler plus sévèrement les rejets de polluants dans les cours d’eau afin d’éviter l’eutrophisation (apport excessif de nitrates et de phosphates dans un milieu aquatique, pouvant y entraîner la prolifération de végétaux (algues…), l’appauvrissement en oxygène, le dégagement de substances toxiques comme l’ammoniac, le méthane…)
- Le maintien de milieux naturels diversifiés de taille suffisante, reliés entre eux est une mesure essentielle pour préserver la diversité. Des mesures sont déjà en place comme la création de corridors écologiques, la mise en place de la Trame verte et bleue, le maintien ou la recréation de zones d’évacuation de crues des cours d’eau…
Le mot de la fin
Les enjeux de la sécheresse dépassent de loin ceux du réchauffement climatique. Il faut donc adapter les pratiques et la consommation d’eau au quotidien. Il faut réduire, optimiser, prévoir et enfin, s’adapter.
La sécheresse va toucher tous les pays, et pas seulement les pays chauds. La France est et sera également touchée, comme l’explique très bien Bon Pote dans son article sur ce sujet.
Toutes les solutions citées ci-dessous ne s’adaptent pas à toutes les situations évidemment, mais cela permet de dégrossir le sujet et de visualiser la lumière au bout du tunnel. Encore faut-il que nous nous adaptions assez vite pour éviter la catastrophe.
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