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Le syndicalisme face à la transition écologique

On le sait, la crise écologique que nous connaissons actuellement va nécessiter la transformation profonde de notre société, et donc, par extension, de notre façon de travailler. La capacité d’adaptation du monde économique et du marché du travail va être primordiale pour garantir aux travailleurs du pays un emploi stable et des conditions de travail dignes.

Si, depuis la crise des gilets jaunes et la supposée opposition entre fin du monde et fin du mois, la notion de convergence des luttes est au cœur des discussions et reste un enjeu majeur, les syndicats ont semble-t-il un rôle déterminant à jouer afin d’opérer un changement de paradigme. L’histoire est là pour nous le rappeler, les mouvements des travailleurs sont à l’origine de nombreuses avancées sociales : diminution du temps de travail, congés payés…

THOMAS LO PRESTI / AFP

Sachant que de nombreux travailleurs et emplois vont être impactés par dérèglements climatiques, il est légitime de se demander quelle est la place de ces syndicats pour éviter le pire. Aujourd’hui, la lutte contre le dérèglement climatique ne semble pas être la priorité des différentes fédérations de travailleurs.

Pour autant, et comme nous le rappelle Renaud Bécot dans une interview donnée à Médiapart, plusieurs mouvements sociaux, notamment au siècle précédent, ont pour genèse des revendications environnementales.

Syndicalisme et environnement, une histoire avec des hauts et des bas

Au cours du XXème siècle, de nombreuses luttes syndicales ont eu pour objectif une amélioration du “cadre de vie” des travailleurs. La notion de “cadre de vie” englobe l’aménagement du lieu de travail (sécurité, hygiène) mais prend aussi en compte la qualité de vie des habitants du territoire. Cette notion, portée notamment par la CFDT, est donc au cœur des préoccupations et l’amélioration du cadre de vie devient une des priorités pour les syndicats de l’époque. Les syndicats se mobilisent donc contre les différentes nuisances induites par les sites industriels. Au début de l’année 1966, l’explosion de la raffinerie de Feyzin, qui a fait 18 morts et des dizaines de blessés, marque un tournant dans les revendications environnementales des syndicats. La CGT et la CFDT vont s’investir davantage dans la dénonciation des dégâts faits sur l’environnement. Collectif de riverains et associations environnementales vont s’associer aux syndicats pour dénoncer les cas de pollution, notamment dans le département du Rhône.

De travailleurs britanniques ayant refusé de manipuler de l’amiante protestent contre leur licenciement, durant le Trade Union Congress de Brighton, en 1976. Source : Trade Union Congress Library Collections, London Metropolitan University.

En ce qui concerne la question du dérèglement climatique, les syndicats ont eu du mal à trouver la bonne posture. Mais si on en croit Renaud Bécot, la réalité est plus nuancée. En s’appuyant sur des travaux de la CGT et de la CFDT dans la deuxième partie du 20e siècle, l’historien montre que cette dernière a très vite été critique envers le système productiviste. En atteste la parution du livre « les dégâts du progrès » en 1977, paru aux éditions de la CFDT. Quant à la CGT, elle a eu plus de mal à prendre en compte cette revendication selon l’auteur. C’est lors de son congrès annuel 1999 que la notion de développement durable humain fut pour la première fois évoquer par la formation syndicale. Depuis le début des années 2000, les deux syndicats participent aux grandes négociations de la transition écologique, comme par exemple le Grenelle de l’environnement où les associations de défense de l’environnement ont pu échanger avec les deux syndicats et ont réussis à trouver des combats communs. D’après Bernard Saincy, La CFDT entretient régulièrement des liens avec diverses associations écologistes (France Nature Environnement, WWF…).

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Si on se fit à la note écrite par France Stratégie sur “Le travail à l’épreuve du changement climatique”, une part allant de 14 à 36 % des travailleurs est exposée à la chaleur. Les métiers les plus concernés sont les métiers liés à l’agriculture et du bâtiment. Ce sont donc principalement des métiers précaires et qui sont déjà exposés aux aléas climatiques. Ajoutés à cela les métiers de la restauration qui sont en contact avec des éléments chauffants. C’est donc, une part non négligeable de travailleurs qui va subir de plein fouet les effets du dérèglement climatique, avec des conséquences sur leur santé.

© CGT Chapelle-Darblay

De nos jours, plusieurs luttes syndicales ont été menés conjointement avec des associations de défense de l’environnement. On peut citer par exemple le cas de la Chapelle Darblay. Cette papeterie capable de produire du papier 100% recyclé avait été mise en vente en 2019 et la production devait être délocalisée. Grâce au collectif Plus jamais ça, rassemblant des associations comme Greenpeace et des syndicats, la production a été sauvée et les salariés ont pu garder leur emploi. Le collectif s’est aussi mobilisé lors de l’annonce de la restructuration de la raffinerie de Grandpuits appartenant à TotalEnergies. On notera tout de même que la CGT a quitté le collectif à cause de désaccord avec certaines associations sur la question de l’énergie.

À l’intérieur des confédérations, il y a aussi du mouvement. D’un côté, la CGT a lancé le radar travail environnement, outil permettant aux travailleurs d’avoir un droit de regard sur l’impact environnemental de leur entreprise. Cet outil, lancé il y a maintenant 2 ans et testé au sein d’une large gamme d’entreprises, se décline en 4 étapes. La première étape va être pour les représentants du personnel de dresser l’état des lieux des différents impacts de la structure : changement climatique, érosion de la biodiversité, eau douce… Au total, ce sont sept thématiques qui sont évaluées. Cet état des lieux est ensuite présenté à l’ensemble des salariés, pour qu’ils puissent émettre des propositions afin de limiter ces impacts. En fonction de ces compétences, chaque salarié va pouvoir optimiser son outil de travail afin que celui-ci soit plus respectueux de l’environnement. S’en suivent les étapes de la mise en œuvre de la stratégie pour faire appliquer ces propositions et le suivi de la bonne mise en place de celles-ci. Ce programme est encore en phase de test, mais les premiers résultats montrent que les salariés s’intéressent à cette question.

Réunion publique le 16 octobre 2020 sur le site de la papeterie à l’initiative du collectif « Plus jamais ça ». © Guy Pichard

De son côté, la CFDT à lancé en décembre 2023 son manifeste pour une transition écologique juste. L’objectif est de mettre au cœur des négociations salariales les enjeux de transition écologique. Pour l’instant, les salariés syndiqués à la CFDT sont invités à se former sur ses enjeux et à diffuser ses savoirs, notamment grâce au réseau interne au mouvement, les sentinelles vertes. Il ne reste plus qu’à…

Sources :

https://www.cfdt-retraités.fr/Les-Sentinelles-vertes-au-service-de-la-transition-ecologique-juste-4-5

https://ugictcgt.fr/cp-radar

https://www.carenews.com/carenews-info/news/la-cfdt-presente-son-manifeste-pour-la-transition-ecologique-juste

https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/200223/renaud-becot-il-existe-une-histoire-ecologiste-propre-au-mouvement-syndical