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Agroterrorisme : Deux poids, deux mesures

Agroterrorisme : Deux poids, deux mesures

Agroterrorisme : Deux poids, deux mesures

La grogne des agriculteurs n’en finit pas de grandir, et comme lors de la plupart des mouvements sociaux, il y a des dégradations. Cependant, on ne peut que constater que les agriculteurs possèdent un totem d’immunité, là où les militants écologistes se font matraquer par les forces de l’ordre dès qu’ils revendiquent quelque chose. Cette article n’est pas à charge contre les agriculteurs, mais met en perspective la nécessité de réformer l’agriculture dans le fond comme dans la forme, tout en évitant les passe-droits concernant les violences de ces derniers jours.

Un bref historique

Depuis plusieurs mois, le gouvernement, et plus précisément le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin œuvre pour faire taire toute contestation écologique face à l’inaction environnementale du pays et du monde. La tentative désespérée de Darmanin pour dissoudre le mouvement écologiste « Les soulèvements de la terre » l’année dernière est une énième preuve de la haine du gouvernement pour tout mouvement écologique pacifique. Car pour rappel, le militantisme écologique n’est pas violent.

A l’inverse, le monde agricole et ce depuis au moins 3 décennies use de la force pour faire passer ses messages sans jamais vraiment être en danger du point de vue juridique. Voici une liste non exhaustive de leurs actions ces 30 dernières années :

➡️ 23 août 1990 : à Thouars, dans les Deux-Sèvres, plus de 200 moutons sont brûlés vifs dans un camion anglais, lors d’une manifestation de la FNSEA. Ailleurs, des affrontements violents ont lieu entre les agriculteurs et les forces de l’ordre, surtout dans les départements de l’Ouest. Aucun scandale, aucune condamnation.

➡️ 20 septembre 2013 : dans la Nièvre, une manifestation de la FNSEA est organisée à Saint-Brisson. Les agriculteurs dévastent le parc naturel régional. Une cinquantaine de tracteurs et des remorques remplies de déchets saccagent la maison du Parc et ses abords, jardin et étang compris. Les agriculteurs donnent des coups de bâton aux agents présents. Quelques lignes dans la presse locale.

➡️ Septembre 2014 : des membres de la FNSEA incendient le centre des impôts de Morlaix, sans que la police n’intervienne. Le responsable du syndicat dans le Finistère tire alors «son coup de chapeau» aux auteurs de l’incendie dans la presse.

➡️ Octobre 2014 : à Nevers, une manifestation de la FNSEA dévaste le centre-ville, en particulier la préfecture, qui reçoit des tonnes de pneus et de lisier. Des affrontements violents ont lieu avec la police.

➡️ Juillet 2015 : une mobilisation d’éleveurs de la FNSEA conduit à d’importantes violences à Rennes et Quimper. Des supermarchés sont saccagés, des voitures de police renversées.

➡️ Août 2015 : à Grenoble des dizaines d’agriculteurs, dont le président de la FNSEA locale, attaquent la Direction départementale des territoires : incendie, vitres brisées, lisier…

➡️ Décembre 2015 : la FNSEA se mobilise devant le Conseil d’État à Paris. Du lisier est déversé, un feu allumé. Cette fois-ci, il y a des arrestations, mais les personnes sont relâchées le jour même.

➡️ Février 2016 : à Paris, des membres de la FNSEA saccagent le stand du ministère de l’Agriculture lors du salon du même nom.

➡️ Mars 2021 : Dans les 4 sous-préfectures du Puy-de-Dôme : Dégradations, lisier déversé, envahissement des bâtiments.

➡️ Février 2023 : à Nîmes, la FNSEA bloque l’autoroute, déverse du lisiers sur les axes routiers et affronte la police. À Toulouse, les locaux de l’association France Nature Environnement sont pris pour cible, du fumier déversé, des projectiles sont lancés et des salariés menacés et agressés.

➡️ Mars 2023 : à La Rochelle, la maison d’un militant écologiste est attaquée lors d’une manifestation de la FNSEA. Les murs sont saccagés et recouverts de tags homophobes.

Au-delà de la violence, une souffrance

Bien évidemment, il est important de souligner que les agriculteurs font face à d’énormes difficultés sur le plan administratif, financier et écologique. Les agriculteurs, représentés principalement par la FNSEA mais aussi par d’autres syndicats comme la Coordination rurale et la Confédération paysanne, expriment d’ailleurs diverses revendications afin d’améliorer leur situation.

➡️ La FNSEA, majoritaire mais non exclusive dans la représentation syndicale, demande des mesures immédiates telles que le respect absolu de la loi Egalim pour protéger les revenus des agriculteurs, la compensation intégrale de la suppression progressive de la ristourne fiscale sur le GNR (gasoil non routier), le paiement rapide des aides de la PAC (politique agricole commune) et des indemnisations sanitaires et climatiques. Ils s’opposent également à certaines réglementations environnementales telles que le plan Écophyto et les ZNT (Zones de Non Traitement), et demandent des projets de stockage d’eau accélérés ainsi qu’une dérogation sur les jachères. À plus long terme, la FNSEA demande une réduction des normes et remet en question le principe de non-régression du droit à l’environnement.

➡️ En revanche, la Confédération paysanne se concentre davantage sur la question du revenu des agriculteurs et critique la FNSEA pour sa collaboration avec les gouvernements passés. Le gouvernement prévoit de répondre rapidement à ces revendications, notamment sur le plan financier, lors d’une réunion réunissant plusieurs ministres. Des premières mesures sont déjà tombées hier, dont la simplification des procédures administratives, l’accélération des procédures administratives pour les retenus d’eau, la réforme des contrôles de l’Office Français de la Biodiversité, des sanctions sévères pour les entreprises ne respectant pas les lois Egalim, la révision de la taxe sur le GNR et une revalorisation des indemnisations.

Agroterrorisme vs ecoterrorisme

En quelques jours, les agriculteurs ont détruits au moins deux bâtiments : Celui de la DREAL dans l’Aude, dans la nuit du 18 et 19 Janvier, ainsi que la Mutualité Sociale Agricole de Narbonne qui a été entièrement détruite par les flammes hier (26 Janvier), durant une manifestation des agriculteurs.

L’important ici est de noter que Gérald Darmanin n’a pas utilisé le terme « terroriste » pour évoquer ce qu’il s’est passé, là où lorsqu’une cinquantaine de militants écologistes détruisent du matériel dans une ferme maraîchère, le terme « écoterroriste » est venu tout de suite sur le tapis.

Car le problème est bien là : Le deux poids, deux mesures du gouvernement, notamment du ministre de l’intérieur, qui se permet de dire sur un plateau télévisé qu’il est normal d’avoir de temps en temps un « coup de sang légitime » :

Pour Gérald Darmanin, il n’y a AUCUN problème.

La DREAL dans l’Aude n’est plus. BOYER CLAUDE / MAXPPP
La MSA de Narbonne non plus. AFP
A Saintes, les agriculteurs s’en sont aussi pris au centre des finances publiques ainsi qu’à un supermarché du centre-ville. É. L. /SUD OUEST

Il n’y a eu AUCUNE interpellation suite à l’explosion à Carcassonne.

Aucune.

Alors que chez les Soulèvements de la terre, il y en a eu de nombreuses pour des faits bien moins gravissimes.

Deux poids, deux mesures ? Absolument.

Le mot de la fin

La croissance constante du mécontentement parmi les agriculteurs et les manifestations qui en découlent sont un sujet brûlant qui révèle les profondes frustrations et les difficultés auxquelles est confrontée la communauté agricole. Il est cependant crucial de reconnaître l’historique de tensions et d’actions violentes du monde agricole au cours des dernières décennies.

Pourquoi ? Car les médias minimisent et invisibilisent ces violences, là où de la simple sauce tomate sur des vitres d’œuvres d’art fait le tour des plateaux TV pendant une semaine.

Cependant, il est tout aussi important de souligner les défis administratifs, financiers et écologiques auxquels les agriculteurs sont confrontés au quotidien. Les revendications de la FNSEA et d’autres syndicats agricoles reflètent la nécessité d’une attention urgente à ces problèmes, sans pour autant pencher pour la facilité, à savoir faire reculer les normes environnementales.

La terminologie utilisée par le gouvernement pour décrire les actions des agriculteurs, en contraste avec sa réaction aux manifestations écologistes, démontre les doubles standards dans la manière dont sont traités les mouvements sociaux en France.

La situation est catastrophique, les agriculteurs le savent. L’avenir de l’agriculture française est en jeu,

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